Culture traditionnelle du jardin

Publié le 10 septembre 2015, mise à jour le 22 février 2017
par Michel et Marie-Andrée Gazeau

Parmi les ancêtres de Michel, une branche était maraîchers dans la banlieue nord de Paris.
Nous ne résistons pas à vous mettre un lien vers un livre de 1845 qui décrit très précisément les techniques et les savoir-faire extraordinaires que possédaient ces maîtres-maraîchers :
"Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris"
par J G Moreau, (jardinier maraîcher à Paris) et Jean-Jacques Daverne (1798-1845).
Possibilité de récupérer un fichier de l’ouvrage au format PDF (386 pages, taille : 65.2 Mo)

En 1845 Paris intra-muros venait juste de dépasser 1 million d’habitants.
La corporation des maraîchers comptait 1 800 maraîchers dans la "petite ceinture" de Paris, pour une superficie de 1 378ha. "Le plus grand nombre des jardins maraîchers contiennent trois quarts d’hectare, parce que cette quantité de terrain est le plus en rapport avec la bonne administration et la surveillance d’un seul chef.

Pour cultiver un jardin de 1 hectare, où l’on fait des primeurs et de la pleine terre, il faut, en tout temps, un personnel de cinq ou six personnes, composé du maître et de la maîtresse, une fille à gages, un garçon à gages s’il y a des enfants en état de travailler, ou, à leur défaut, deux garçons à gages et souvent un ou deux hommes à la journée.
Il y a 9 000 personnes employées à la culture maraîchère dans la nouvelle enceinte de Paris. Dans ce nombre, les maîtres et les maîtresses entrent pour 3 600, les enfants, dont le travail est évalué à celui de 1500 hommes, les hommes et les femmes à gages 3 900, soit un total de 9 000 personnes.

C’est dire que 9 000 personnes fournissaient une grande partie des légumes consommés dans Paris.

Ces maraîchers utilisent 1,700 chevaux, 300 sont conservés toute l’année et 400 sont vendus à l’entrée de l’hiver, quand on n’en a plus besoin pour tirer de l’eau. Ces chevaux sont employés à mener les légumes à la halle, de grand matin, et, en revenant, ils ramènent une voiture de fumier. Quelquefois ils retournent en chercher plusieurs voitures dans la même journée et, dans l’été, ils sont occupés, plusieurs heures par jour, à tirer de l’eau au puits, au moyen d’un manège ou d’une pompe à engrenage.

Extraits

Serre, châssis et cloches

Les serres n’avaient été utilisées que dans les jardins royaux et des nobles.
Pour produire autant de légumes les maraîchers utilisaient des châssis de 4m de long par 1.35m de large et des cloches en verre de divers tailles.
Le nombre de châssis est estimé à 360 000, celui des cloches à 2 160 000.

Ce n’est pas qu’à cette époque l’art des primeurs et l’emploi des châssis fussent ignorés à Paris ; depuis longtemps l’un et l’autre étaient en progrès dans les jardins
royaux et chez plusieurs grands seigneurs ; mais ils n’avaient pas encore pénétré dans la culture maraîchère, lorsqu’en 1780, un jardinier maraîcher nommé Fournier fit le premier usage de châssis dans sa culture avec un succès si prononcé pour obtenir des primeurs beaucoup plus tôt qu’auparavant, qu’un grand nombre de ses
confrères l’imitèrent et en obtinrent de suite de grands avantages. L’usage et la manœuvre des châssis devinrent une branche importante de la culture maraîchère, et c’est de cette époque que le terme culture forcée est devenu familier parmi nous.

Coffres
Il y a des coffres à un ou deux châssis, mais dans nos jardins ils sont presque tous
à trois châssis. Un coffre à trois panneaux de châssis est un carré long de 4m, large de 1.35m, construit en planches de sapin et qui se pose sur une couche ; le derrière
est haut de 27 à 30cm, et le devant de 19 à 22cm : nous le préférons en sapin, parce qu’il est moins lourd et moins cher qu’en chêne ; nous ne le peignons pas, parce que la peinture à l’huile peut nuire aux racines des plantes. Le devant du coffre est muni de petits taquets, pour empêcher les châssis de couler, et le dessus est garni de trois traverses fixées à queue-d’aronde, pour maintenir l’écartement et soutenir le bord des châssis. Nos coffres n’ont ni la profondeur ni l’inclinaison de ceux des jardins bourgeois, parce que nous voulons que les plantes soient près du verre ; mais, si nous voulions forcer plus longtemps les plantes qui deviennent hautes,
telles que tomates, aubergines, choux-fleurs, nous mettrions deux coffres l’un sur l’autre.

Châssis. Châssis et panneau de châssis sont synonymes. C’est un carré en bois de chêne, peint de deux couches à l’huile, qui a 1.53m sur chaque face et est divisé en quatre par trois petits bois pour soutenir le verre ; les châssis sont indispensables en culture forcée, en ce qu’ils maintiennent la chaleur et l’humidité de la couche, et que la lumière du jour, la chaleur du soleil pénétrant au travers du verre, tient les plantes qui sont dessous dans une température favorable à leur croissance ; quand on juge la chaleur trop grande ou que l’on veut faire un peu durcir les plantes, on leur donne de l’air en levant plus ou moins le châssis par derrière. Il va sans dire que, puisque nous n’employons des coffres et des châssis que pour élever des primeurs, ils doivent être inclinés autant que possible toujours vers le midi.

Paillassons.
Partout les jardiniers font leurs paillassons eux-mêmes : il y en a de plusieurs grandeurs et épaisseurs ; les nôtres ne sont pas très grands ni très épais, afin qu’ils ne soient pas trop lourds et qu’ils sèchent promptement après avoir été mouillés par la pluie ; leur longueur est de 2 mètres et leur largeur de 1 mètre 55 centimètres. Nous nous en servons pour couvrir nos couches, nos cloches, nos châssis contre le froid et contre la grêle, et quelquefois contre le soleil ; nous en employons toujours un très grand nombre. Il y a des établissements maraîchers qui en ont jusqu’à un mille.

Cloches
Les cloches à maraîchers ont 40cm de diamètre à la base, environ 20cm dans le haut, et leur hauteur est de 36 à 37cm. Autrefois les cloches étaient d’un verre plus vert qu’aujourd’hui ; les maraîchers s’en sont plaints, et maintenant elles sont d’un verre plus blanc, mais plus fragile. L’utilité des cloches dans la culture des primeurs est moins efficace que celle des châssis, mais leur usage est plus général en ce qu’il est moins dispendieux.

Crémaillère à cloche ou à châssis

C’est un bout de latte en chêne, long de 20 à 24cm, sur un côté duquel sont trois entailles ou crans allongés, à 5cm l’un de l’autre, pour soutenir les cloches plus
ou moins élevées, lorsqu’on veut donner de l’air aux plantes qu’elles recouvrent.
Déclocher :C’est ôter les cloches de dessus les plantes , quand elles n’y sont plus nécessaires ; le déclochement général se fait ordinairement dans le commencement de juin, quant la saison est devenue suffisamment chaude.

Engrais

Les jardiniers-maraîchers d’aujourd’hui, comme sans doute étaient ceux du temps passé, ne connaissent pour engrais et stimulant que le fumier, l’eau et la chaleur, rien de plus.
Il y a ici une observation à faire. On croit assez généralement que, si nous obtenons d’aussi beaux légumes, c’est que nous employons beaucoup d’engrais ; c’est une erreur. Quand notre terrain est devenu en état d’être cultivé en culture maraîchère,
nous n’y mettons plus d’engrais proprement dit : la fertilité du terrain s’entretient d’abord par les paillis et les terreautages que nous renouvelons et enterrons au moins trois fois dans une année ; ensuite parce que nous changeons, autant que nous pouvons, nos carrés de melons de place chaque année, et que l’eau avec laquelle nous arrosons nos couches traverse le fumier et en entraîne les parties fertilisantes dans la terre ; enfin parce que nos melons en tranchées se font dans des fosses remplies de fumier qui communique une partie de sa fertilité à la terre, et qu’ensuite, quand nous retirons ce fumier des fosses ou tranchées, il en reste toujours une partie plus ou moins décomposée qui engraisse naturellement la terre et la met dans l’état de fertilité le plus convenable à la culture maraîchère : aussi ceux d’entre nous qui font beaucoup de primeurs vendent, chaque année, une partie de leur terreau de couches et n’achètent jamais d’engrais d’aucune espèce. "

Après cet aperçu général, nous allons faire connaître comment nous obtenons le paillis et le terreau dont nous nous servons, l’usage que nous en faisons et les effets que nous en attendons.
1- Paillis.
On forme les paillis avec du fumier de cheval, très-court, c’est à dire à moitié consommé. Nous pouvons l’obtenir de trois manières :
- 1 du fumier de vieilles couches à melons, qui ont été faites dans des tranchées
- 2 de vieilles meules à champignons, qui ne rapportent plus
- 3 des débris de nos tas de fumier neuf, quand nous les démolissons pour faire nos couches. Tous ces fumiers courts et à moitié consommés se secouent avec une fourche, pour en faire tomber ce qui est trop consommé, et ce qui ne l’est pas trop forme les paillis.
Usage du paillis.
Chaque fois que nous labourons une planche et que nous l’avons dressée et râtelée, avant de la planter, nous étendons dessus une couche de paillis épaisse de 6 à 8 millimètres, et de manière à ce que la terre en soit parfaitement couverte, après quoi nous la plantons.

Bons effets du paillis.
Un paillis empêche la surface de la terre de sécher, de se crevasser ou de se fendre ; il la tient fraîche ; il fait que l’eau des arrosements ne s’écoule ni à droite ni à gauche,
qu’elle pénètre à l’endroit où on l’a versée, et s’oppose à son évaporation. Sans paillis, nous serions obligés de tripler les arrosements, et encore les légumes ne viendraient pas aussi bien.
Cependant le paillis a, selon nous, un petit inconvénient, qui fait qu’on ne doit pas le répandre sur les planches avant la fin d’avril ou le mois de mai ; c’est qu’il attire l’humidité plus que le terreau ; que, si des légumes tendres sont plantés de bonne heure, des laitues, par exemple, dans une planche couverte d’un paillis, les petites gelées tardives du printemps leur feraient plus de mal que si elles étaient dans
une planche couverte de terreau ; c’est pourquoi nous terreautons, mais ne paillons pas les planches ou côtières que nous plantons avant la fin d’avril.

2- Terreau,
Le terreau qu’on emploie dans la culture maraîchère provient du fumier consommé des couches que nous faisons sur terre. Ces couches, produisant plusieurs saisons,
sont aussi labourées plusieurs fois, fortement arrosées, et, à l’automne, leur fumier se trouve entièrement décomposé, changé en terreau gras ; alors nous le brisons avec une fourche, en le mêlant avec celui qui était sur la couche ; nous le mettons
en tas, et nous nous en servons ensuite pour mettre sur de nouvelles couches et pour faire nos terreautages.
Les couches que nous faisons dans des tranchées se chargent ou se couvrent avec la terre du sol ; nous en dirons la raison plus tard : mais celles que nous faisons sur terre se chargent avec du terreau, et nous en mettons sur le fumier l’épaisseur d’environ 13 ou 14 centimètres. C’est sur ce terreau, au moyen de châssis , que nous faisons nos cultures précoces, que nous semons des radis, des carottes,
de la chicorée sauvage ; que nous plantons des romaines, des laitues, de la chicorée frisée, des choux-fleurs, etc.
Le terreau nous sert aussi pour terreauter les planches que nous plantons avant le mois de mai ; nous l’étendons, de l’épaisseur de 2 ou 3mm, sur la terre et de manière qu’elle en soit également couverte. Nous terreautons encore en d’autres saisons, comme on le verra plus tard ; mais, dans le commencement du printemps, nous préférons le terreau au paillis pour couvrir nos planches, parce qu’il n’attire pas l’humidité comme le paillis, que sa surface se sèche aisément et que les plantes de la planche sont moins exposées à être fatiguées par les petites gelées tardives. Au moyen des arrosements, les parties alimentaires du terreau et du paillis se dissolvent, sont entraînées par l’eau dans la terre, nourrissent les plantes, jusqu’à ce
qu’ils soient eux-mêmes enfouis et profitent à une nouvelle, saison.
A propos de terreau gras, nous devons faire ici une observation : c’est que, par la manière dont nous travaillons nos couches et les arrosons pour en obtenir plusieurs saisons, le fumier se consomme entièrement dans l’année et se convertit en un terreau véritablement gras qui, mélangé avec celui dont les couches étaient chargées, revivifie la terre et lui rend la fertilité qu’elle peut avoir perdue en nourrissant jusqu’à quatre saisons de légumes.
Dans les jardins bourgeois, où on ne travaille pas comme nous, le fond de couche
n’est jamais gras ; c’est un fumier plus ou moins sec, plus ou moins brûlé, qui ne serait bon qu’à faire un paillis, si on paillait dans les jardins bourgeois...

Fumer.
C’est enterrer du fumier dans la couche supérieure de la terre pour lui donner la fertilité qu’elle n’a pas ou pour augmenter celle qu’elle a déjà.
Ce moyen, nous l’employons, s’il est nécessaire, quand nous voulons établir une culture maraîchère dans une terre qui n’a jamais été cultivée de cette manière ; mais, une fois amenée à l’état qui convient à nos cultures, nous n’y enterrons plus de
fumier ; les débris de nos couches suffisent pour entretenir la fertilité qui nous est nécessaire.
Fumier neuf.
Les maraîchers de Paris n’emploient que du fumier de cheval, provenant des
nombreux équipages de la capitale, et les chevaux de ces équipages étant toujours tenus proprement, leur fumier n’est jamais consommé (c’est à dire composté) ; les maraîchers l’enlèvent au moins une fois par semaine, de sorte qu’ils en amènent, la plupart, d’une à trois voitures par jour, qu’ils placent en meules dans leurs jardins, pour s’en servir, l’hiver, à faire des couches.
Nous avons reconnu par l’expérience que la vapeur (ammoniaque) qui s’échappe du fumier de chevaux entiers contient quelque chose de nuisible aux jeunes plantes ; nous avons vu des jeunes plants de melon tués par cette vapeur.

Fumier vieux.
Depuis la fin de mai jusqu’au mois de novembre, les maraîchers de Paris ne font
pas de couches, et cependant il continue de leur arriver d’une à trois voilures de fumier neuf par jour, qu’ils empilent en plusieurs meules et dont ils se serviront plus tard. En restant ainsi amoncelé pendant six, cinq, quatre, trois, deux et un
mois, il perd sa chaleur et son titre de fumier neuf, et prend celui de fumier vieux.

En novembre, on commence à faine des couches, et comme il arrive journellement du fumier neuf, on réchauffe le fumier vieux en le mêlant par moitié avec le neuf, en l’arrosant s’il est nécessaire, et par ce mélange on obtient des couches dont la
chaleur est plus modérée et se prolonge plus longtemps que si elles étaient faites avec tout fumier neuf.

Terreau gras
Nous devons faire ici une observation : c’est que, par la manière dont nous travaillons nos couches et les arrosons pour en obtenir plusieurs saisons, le fumier se consomme entièrement dans l’année et se convertit en un terreau véritablement gras qui, mélangé avec celui dont les couches étaient chargées, revivifie celui-ci et lui rend la fertilité qu’il peut avoir perdue en nourrissant jusqu’à quatre saisons de légumes.
Dans les jardins bourgeois, où on ne travaille pas comme nous, le fond de couche n’est jamais gras ; c’est un fumier plus ou moins sec, plus ou moins brûlé, qui ne serait bon qu’à faire un paillis, si on paillait dans les jardins bourgeois...

Nature des sols et leur utilisation

"Il n’y a que trois sortes de terre en culture maraîchère à Paris, que nous distinguons par les noms de terre forte, terre meuble et terre sableuse : la première est celle
dans laquelle l’argile domine , c’est la plus difficile à travailler ; la seconde est celle où l’argile et le sable sont dans les rapports les plus convenables pour former une terre facilement divisible ; la troisième est celle où le sable siliceux, surtout, entre avec
excès et détruit la cohésion nécessaire. Chacune de ces terres a ses avantages et ses inconvénients dans la culture maraîchère.

La première, par sa compacité, s’échauffe difficilement aux premières chaleurs du printemps, reste froide et tardive ; mais, dans l’été et l’automne, les gros légumes, tels que chou-pomme, chou-fleur, artichaut, cardon, etc., y poussent avec vigueur, si l’on a soin d’en biner souvent la surface, pour l’empêcher de se fendre et de se crevasser, ou de la couvrir d’une couche de paillis. Cette terre, conservant aisément sa fraîcheur, ne demande pas à être arrosée aussi fréquemment que les autres, et les engrais qu’on lui donne doivent être du fumier de cheval tout au plus à moitié consommé et du terreau qui a déjà servi.

La seconde sorte, la terre meuble, est la plus favorable à toute espèce de légumes ; elle ne craint guère la sécheresse ni l’humidité ; d’ailleurs on la préserve de la première par le paillis, dont l’usage est général dans la culture maraîchère, et
l’engrais qu’il lui faut est un fond de couche ou de terreau gras.

La troisième sorte, la terre sableuse ou qui manque de cohésion, s’échauffe aisément aux premières chaleurs du printemps ; la végétation s’y manifeste plus tôt que dans les autres terres, les récoltes printanières y sont plus précoces et de bonne qualité ; mais, dans l’été, la végétation y langui, parce-que cette sorte de terre s’échauffe et se dessèche trop ; ses produits deviennent coriaces et montent avant le temps. Une telle terre, quoi qu’elle soit des plus faciles à labourer et à dresser, est pourtant des plus coûteuses, étant cultivée en culture maraîchère, parce qu’après le printemps il faut la couvrir d’un paillis plus épais et lui donner des arrosements beaucoup plus nombreux, et que, quoi que l’on fasse, les légumes n’y viennent jamais
aussi forts ni aussi beaux que dans une terre plus consistante. L’engrais qui lui convient le mieux est le fumier de vache. C’est dans les années trop humides pour les autres terres que celle-ci donne le maximum de son produit.

Exposition par rapport au soleil

En jardinage, le mot exposition a un sens assez restreint. Un mur, par exemple, dirigé de l’est à l’ouest forme deux expositions, l’une au midi et l’autre au nord : au midi, la température est plus chaude ; au nord, elle est plus froide ; mais l’effet
de ces expositions ne se fait plus sentir à 5 ou 6 mètres du mur.

Un jardin à peu près carré peut avoir quatre expositions s’il est clos de murs ; l’une regarde le levant, l’autre le midi, l’autre le couchant et l’autre le nord, et chacune d’elles a des propriétés qui lui sont propres et que nous allons expliquer, en commençant par celle du midi, qui est la meilleure.
Une hauteur de 1.94m à 1.27m est suffisante pour l’exposition du levant, du midi et du couchant ; cependant, si le mur de l’exposition du midi est plus haut, si
c’est, par exemple, un bâtiment, l’exposition en serait trop brûlante dans l’été : quant à l’exposition du nord, c’est tout le contraire ; plus le mur est bas, moins elle est mauvaise.
- A l’exposition du midi nous établissons une côtière ou plate-bande, large de 2.27m, et aussi longue que le mur où, à la faveur de ce même mur, nous plantons de la romaine élevée sous cloche dès le mois de février, et nous y semons en même temps des carottes, ou des radis, ou des épinards, ou du persil parmi les romaines ; et toutes ces plantes deviennent bonnes à être vendues trois semaines ou un mois avant celles plantées en plein jardin ; et dès le mois de mars nous y contré-plantons nos premiers choux-fleurs de pleine terre élevés sous châssis.
- L’exposition du levant ainsi que celle du couchant peuvent avoir aussi chacune leur côtière, mais moins large que celle du midi, et recevoir les mêmes plantes ou semis quinze jours ou trois semaines plus tard, et, comme le soleil ne les favorise que la moitié de la journée, l’une du matin à midi, l’autre de midi au soir, les plantes n’y
croissent pas aussi rapidement ou n’y sont pas aussi précoces qu’à l’exposition du midi. Nous devons faire observer, en passant, que, s’il gèle la nuit et que le soleil luise en se levant, les plantes à l’exposition du levant sont exposées à être brûlées par ses rayons.
- L’exposition du nord, à cause de sa fraîcheur, ne peut être de quelque utilité dans un jardin que dans l’été, pour recevoir les semis ou les plants qui aiment la fraîcheur en cette saison , comme l’épinard , le cerfeuil : la pimprenelle, la poirée ,
les choux, etc. Il vaudrait mieux qu’un jardin n’eût pas de murs de ce côté, ou qu’il n’en eût qu’un très-bas ; mais, quand le mur existe, c’est contre lui qu’on élève des hangars pour serrer les coffres- à coulisses, les panneaux de châssis et les paillassons quand ils ne servent plus.
Outre les expositions plus chaudes que les murs procurent, ceux-ci ont encore l’avantage de donner la possibilité d’établir des espaliers de vigne ou d’arbres fruitiers dont le produit n’est pas à dédaigner.

Outils

Plantoirs en bois
Ce sont des morceaux de bois ronds de 4 centimètres de diamètre, longs d’environ 26cm, terminés en pointe émoussée par en bas, courbés en bec à corbin par en haut, avec lesquels nous plantons nos salades, oignons, et tout ce qui n’est pas trop délicat à la reprise, Après avoir fait le trou avec le plantoir et y avoir fait entrer les racines de la plante, on les fixe convenablement en pressant de la terre contre par un autre coup de plantoir. Nous faisons nous-mêmes ces plantoirs en bois.

Plantoirs ferrés.
Ceux-ci ne diffèrent des précédents qu’en ce qu’ils ont le bas ferré et qu’ils durent plus longtemps : ils servent aux mêmes usages et ne sont peut-être pas aussi bons
pour les plantes, à cause de leur dureté et de l’oxyde qu’ils peuvent déposer près des racines.

Méthode culturales

Remarque : nous laissons de coté toute la pratique des couches chaudes qui demandent des quantités très importantes de fumier, et énormément de travail.
Nous allons remplacer ces pratiques par la culture sous serre.

Ados.
L’usage des ados est d’une grande importance dans la culture maraîchère de Paris : c’est par le moyen des ados que nous fournissons à la consommation des laitues pommées en novembre et décembre ; c’est sur des ados que, dès octobre et novembre, nous élevons des romaines, des laitues, des choux-fleurs, que nous livrons à la consommation dès le printemps.
Il est rare que nous puissions faire un ados contre un mur à l’exposition du midi, comme l’indique l’académie ; mais, si nous avons un mur qui nous abrite du vent du nord, nous faisons nos ados de préférence, non contre ce mur , parce que le service en serait difficile, mais à une certaine distance au devant de ce mur. A défaut de mur, nous faisons nos ados en plein carré ; la seule condition indispensable, c’est que ces ados s’inclinent vers le midi.

Notre usage est de faire nos ados larges de 1.30m (4 pieds), afin que nous puissions placer dessus trois rangs de cloches en échiquier : cette largeur est la plus commode pour la perfection du travail. Quand nous voulons faire un ados, nous prenons une bande de terre dirigée de l’est à l’ouest et de la largeur indiquée ci-dessus, et, en la labourant, nous la baissons de 16cm (6 pouces) du côté du midi, et l’élevons de 16cm (6 pouces) du côté du nord ; cela donne à l’ados 32cm ( 1 pied) de pente au midi, et cette pente est celle qui nous semble la plus avantageuse. Le labour étant fait et la terre bien divisée, on prend un cordeau, on le tend sur la
crête de l’ados, on en tranche le bord avec une bêche et on le bat avec le dos de la bêche, pour le rendre solide et de manière à former un talus presque vertical au nord de l’ados, et on reverse la terre qui a été retranchée sur le même ados.

Cette opération finie, on prend une fourche à trois dents pour égaliser la terre et briser les mottes de l’ados ; on y passe le râteau pour lui donner une surface bien unie avec la pente convenable au midi ; ensuite on étend , sur toute la surface, un lit de terreau fin, de l’épaisseur de 3 centimètres ; on plombe ce terreau avec le bordoir ou une pelle, et l’ados est fini, il n’y a plus qu’à le planter.

Mais nous faisons presque toujours plusieurs ados les uns devant les autres, et, s’ils étaient près, ils se nuiraient en ce que le côté haut de l’un porterait son ombre sur le côté bas de celui qui serait derrière, et les plantes en souffriraient. Il est donc nécessaire de laisser un sentier large de 96cm (5 pieds) entre chaque ados.

Amender (rendre meilleur ).
Quoique ce mot n’exclue aucun des moyens qui peuvent rendre meilleur , les cultivateurs l’emploient pour rendre la terre meilleure sans y mettre d’engrais. Ainsi on
améliore le sable en y mélangeant une terre argileuse ; on améliore l’argile en la mélangeant avec du sable ; on rend fertile une terre sèche en l’humectant convenablement, et une terre trop humide en la desséchant jusqu’à un certain point.

Enfin il y a des terres qui ne sont stériles que par leur imperméabilité ; on les amende en les divisant par des labours et en exposant toutes leurs parties aux influences atmosphériques.

Arroser.
En culture maraîchère, aucune plante ne peut se passer d’arrosement, parce qu’il faut qu’elle croisse vite et bien ; un légume convenablement arrosé conserve sa tendreté, prend tout son développement, et conserve un aspect de santé avantageux. Les maraîchers arrosent plus que les autres jardiniers ; aussi ont-ils généralement de plus beaux légumes ; nous ne nous servons que de grands arrosoirs à pomme dans nos jardin, et avec eux nous exécutons les bassinages les plus légers aussi bien que les arrosements les plus copieux, à la pomme et à la gueule ; dans les jardins, on se sert plus souvent du mot mouiller que du mot arroser.

Quoiqu’il y ait des légumes qui demandent plus d’arrosements que d’autres, il n’est pourtant guère aisé d’établir des règles pour la quantité d’eau à donner à chaque espèce de plante ; on sait seulement qu’on ne peut pas leur en donner trop
dans les grandes chaleurs accompagnées de grandes sécheresses ; mais dans les autres cas, c’est la pratique et l’observation qui doivent apprendre à modérer ou augmenter les arrosements. Ainsi, au printemps, tant que les gelées tardives sont à
craindre, on doit éviter d’arroser après deux heures de l’après-midi, afin que l’humidité de la surface de la terre soit assez dissipée pour ne pas contribuer à augmenter la gelée du lendemain matin. Dans l’été, on peut arroser toute la journée, particulièrement le soir, parce que l’eau versée le soir ne se vaporise pas, qu’elle est tout employée au profit des plantes, et que plusieurs d’entre elles croissent plus la nuit que le jour, quand l’humidité ne leur manque pas. Dans l’automne, on ne
doit arroser que du matin à deux heures de l’après-midi ; plus tard la fraîcheur de l’eau, jointe à celle de la nuit, pourrait ralentir ou arrêter la végétation. Il y a un effet causé par l’arrosement au milieu du jour, que nous expliquerons en traitant de la culture de la romaine.

Nous pensons bien que, si nous n’arrosions pas avec de l’eau froide et crue sortant du puits, que, si nous avions dans nos jardins de larges bassins où l’eau prendrait une température plus élevée, elle en vaudrait mieux pour les arrosements ; mais
l’usage des bassins n’est pas encore introduit dans la culture maraîchère de Paris , et plusieurs difficultés s’opposent à son introduction ; d’ailleurs, nous sommes dans la persuasion que notre eau de puits perd de sa crudité dans le trajet qu’elle fait
depuis sa sortie du puits jusqu’à ce qu’elle arrive dans nos tonneaux.

Quoique la manière d’effectuer un arrosage ordinaire à la pomme soit assez simple, il ne peut cependant s’apprendre que par la pratique ; c’est pourquoi nous n’essayerons pas de le décrire ; nous dirons seulement qu’il faut que l’eau tombe d’assez haut et qu’elle ne batte pas la terre.

Arroser à la gueule.

On arrose de cette manière quand, au lieu de répandre l’eau par la pomme de
l’arrosoir, on la verse par son ouverture, qu’on appelle ici gueuler on arrose ainsi certains gros légumes dont les racines ne tracent pas et qui demandent beaucoup d’eau, tels que choux fleurs, cardons.

Bassiner.
C’est un arrosage à la pomme, mais qui se fait très-légèrement et de manière à
ce que l’eau tombe en forme de pluie fine : pour réussir, il faut élever beaucoup l’arrosoir et le promener vivement. Un bassinage ne fait guère que noircir la terre, et ne la mouille guère que jusqu’à la profondeur de 1 ou 2 centimètres : on bassine particulièrement les semis dont la graine est peu enterrée.

Biner. - C’est remuer la terre jusqu’à la profondeur de 6 à 10 centimètres, entre des plantes, avec une binette, pour faire mourir les mauvaises herbes qui y croissent et s’empareraient de la nourriture destinée aux plantes. Le binage a encore pour bon effet, en soulevant et ameublissant la terre, de la rendre plus propre à s’imprégner
des influences atmosphériques et de mieux s’imbiber de l’eau des arrosements.

Brouiller.
Si un carré où l’on a passé la ratissoire à pousser contenait beaucoup d’herbe et
que l’on craignît de la voir se rattacher et continuer de vivre, alors il faudrait la brouiller : pour cela on prend un râteau que l’on passe sur tout le carré en tirant et poussant de manière à ramener toutes les herbes à la superficie, où elles se dessèchent et meurent en peu de temps.

Butter.
C’est amonceler de la terre autour du pied d’une plante : on butte sous plusieurs points de vue ; ainsi on peut butter le pied de l’aubergine, de la tomate, dans la vue de les maintenir droites et dans celle d’augmenter le nombre de
leurs racines pour leur donner plus de vigueur. On butte les pommes de terre dans la vue d’augmenter le nombre de leurs tubercules, ce à quoi on ne parvient pas toujours ; on butte le céleri, les cardes, pour les faire blanchir et les rendre
plus tendres, etc...

Clocher.
C’est mettre une cloche sur un semis pour favoriser la germination ; sur un pied
de laitue, de romaine, de melon nouvellement plante, pour en favoriser la reprise en le mettant à l’abri du vent, du froid. Une clochée est ce qui tient sous une cloche.

Contre-planter.
Dans les jardins , on n’attend pas toujours qu’une planche soit vide pour la replanter. Quand une planche de romaine, par exemple , est aux trois quarts venue , on contre-
plante entre ses rangs d’autres rangs d’escarole ou de chicorée qui remplacent bientôt la romaine.

Couche mère.
Nous nommons ainsi une couche destinée à faire germer des graines, celles particulièrement de nos melons : nous la faisons carrée et lui donnons 1.65m sur chaque face et 66cm de hauteur ; nous plaçons dessus un coffre à un seul panneau et la chargeons de terreau , dans lequel nous mettons nos graines en germination, telles que melon, concombre, chicorée, aubergine.

Couche pépinière.
Celle-ci se fait de mêmes largeur et hauteur que la précédente, mais trois fois aussi longue, ou assez longue pour contenir un coffre à trois panneaux. On charge cette couche de terreau et on y repique le plant provenant des graines de melon ou autres qu’on a fait germer sur la couche mère.

Couche d’hiver.
Le nom de cette couche indique qu’elle doit être assez épaisse pour produire
une chaleur capable de résister au froid de la saison, avec le secours des accots et de couvertures. Elle se charge ordinairement de coffres, de châssis et de terreau , dans lequel on plante des laitues crêpes ou petites noires, et où l’on sème des carottes, des radis, etc. ; mais, quand on vent y planter des cantaloups, petits prescotts (cerfeuil tubéreux), on met dans les coffres de la terre mélangée de terreau, au lieu de terreau pur. Nous faisons un couches d’hiver hautes de 54 à 60cm (20 a 22 pouces).

Couche de printemps.
La seule différence de celle-ci avec la précédente est que, vu le moins de
danger de la gelée, on ne la fait épaisse que de 40 à 48 centimètres (15 à 18 pouces).

Dédosser.
On dédosse l’ail, l’échalote, l’appétit (nom donné à certaines herbes apéritives : ciboule, ciboulette, etc.) en séparant les caïeux que ces plantes produisent à leur pied ; et, par extension , le même mot s’applique aussi aux plantes qui pullulent beaucoup du pied, comme la menthe, l’estragon ; on les dédosse en divisant leur grosse touffe en plusieurs petites pour les multiplier.

Éclaircir.
C’est arracher une partie des jeunes plantes qui se gênent réciproquement pour avoir
été semées trop épais. Nous éclaircissons dans trois intentions différentes :
- 1 Nous éclaircissons nos semis en prenant çà et là du plant pour le repiquer ailleurs ;
- 2 Nous éclaircissons nos carottes forcées, nos radis en prenant çà et là les plus avancés pour la vente, ce qui fait de la place aux autres ;
- 3 Nous éclaircissons nos semis d’oseille, d’épinards, quand ils nous paraissent avoir levé trop dru ; dans ce dernier cas seulement, ce que l’on arrache est perdu, mais ce qui reste profite davantage.

Entre planter.
C’est planter en même temps deux espèces de plantes. En plantant, par exemple, une côtière en romaine , on laissera deux ou trois lignes vides pour y entre-planter des choux-fleurs.

Étêter.
C’est couper la tête d’une plante avec les ongles ou avec un instrument tranchant. En
culture maraîchère on n’étête guère que les melons , les concombres et les tomates. On étête les melons quand ils ont deux feuilles, les concombres quand ils en ont de deux à quatre et les tomates quand les plantes ont environ 1 mètre de hauteur.

Herser, râteler.
Ces deux mots sont synonymes chez les maraîchers. Nous n’employons jamais de herse, mais nous exécutons le hersage avec la fourche (croc) et le râteau : ainsi, quand on a labouré une planche, dans l’intention de la semer, la superficie de la terre n’est jamais divisée assez finement pour que le graine s’y répande également. S’il y a de grosses mottes, on commence par les briser avec une fourche , ensuite on y passe le râteau pour achever de briser ce qui a échappé à la fourche, et ramener sur le sentier les petites mottes qui servent à le rendre plus élevé que la
planche, ce qui est avantageux pour les arrosements en ce que l’eau est empêchée de s’écouler dans le sentier.


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