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Dispositif expérimental pour comparer les propriétés isolantes de matériaux non conventionnels

Publié le 27 juin 2016, mise à jour le 8 avril 2017
par Michel et Marie-Andrée Gazeau

Expérimentations menées par les élèves de la classe de 3éme DIMA(*).

Lycée Professionnel Vincent de Paul, Tarbes, avril-juin 2016
Professeur de technologie : Julien de Vulpillières

(*) DIMA : "dispositif d’initiation aux métiers en alternance". Cette formation permet à de jeunes de commencer une activité professionnelle tout en demeurant sous statut scolaire.

Résumé :
Le procédé permet de comparer différents systèmes d’isolation compatibles avec un développement durable (matériaux bio-sourcés), par rapport à une isolation conventionnelle en laine de verre.


Systèmes étudiés :
- paille de blé hachée
- copeaux de bois
- granulés de liège
- vermiculite  
- un système multi-réflecteur à base de carton et de film alu ménager (recyclable)

Objectif

Dans une démarche de respect de la Création, il est intéressant de disposer d’éléments objectifs concernant des matériaux négligés par l’industrie, et disponibles pour les plus pauvres.
À l’aide d’un dispositif expérimental artisanal à très faible coût, on compare différents systèmes d’isolation compatibles avec un développement durable (matériaux bio-sourcés), par rapport à une isolation conventionnelle en laine de verre. Le but est d’identifier le meilleur système d’isolation tout en minimisant l’énergie grise nécessaire à son élaboration et son recyclage en fin de vie.

Présentation du dispositif

Une boîte en carton (schématisant une maison) de base 30x30 cm, hauteur 25 cm, au centre de laquelle est placée une bouteille d’eau chaude (schématisant le système de chauffage). Entre 2 épaisseurs de carton (schématisant respectivement les parois extérieure et intérieure de la maison) se trouve un matériau isolant. La température de l’eau dans la bouteille (température initiale : 90-95 °C) est relevée toutes les heures à l’aide d’un thermomètre pendant une durée conséquente (jusqu’à 7 h).

Les accessoires complétant le dispositif sont (de bas en haut) :
- Un socle en bois aggloméré (épaisseur : 1 cm) ;
- Un carré de mousse de polyuréthane supportant la bouteille (épaisseur : 2 cm) ;
- Un carré de mousse de polyuréthane autour du bouchon de la bouteille (épaisseur : 2 cm) ;
- Isolant multi-réflecteur (épaisseur : 2 cm) ;
- Un couvercle en bois aggloméré (épaisseur : 1 cm).

La déperdition thermique à travers les parois et le matériau isolant est évaluée par la baisse de température plus ou moins élevée et rapide de l’eau dans la bouteille.

Déroulement de l’expérience

3 dispositifs identiques accueillant chacun un isolant différent sont placés dans les mêmes conditions expérimentales (température extérieure, température initiale de l’eau dans la bouteille, dispositifs distants les uns des autres…). La comparaison des courbes de température de l’eau dans les différents dispositifs permet de classer les matériaux isolants selon leur capacité d’isolation thermique.

Les matériaux testés sont :
- Laine de verre (matériau témoin) ;
- Air (pas d’isolant)
- Paille de blé hachée ;
- Copeaux de bois ;
- Granulés de liège ;
- Vermiculite   ;
- Un système multi-réflecteur (disposé verticalement) à base de carton et de film alu ménager, en 3 expérimentations :
1. Version 1 : superposition carton-alu-carton-alu-… sans espace intermédiaire
2. Version 2 : superposition carton-alu-carton-couche d’air (2 cm)- carton-alu-carton-couche d’air-…
3. Version 3 : superposition carton-alu-carton-vermiculite   (2 cm)-carton-alu-carton-couche d’air-…

Résultats de l’expérience

Dans les comparaisons effectuées, les graphes ci-contre montrent les résultats obtenus en comparant respectivement
- Laine de verre, Air et Vermiculite ;
- Laine de verre, Multi-réflecteur (V1) et Paille ;
- Laine de verre, Multi-réflecteur (V3) et Liège.
La Laine de verre reste dans toutes les expériences le matériau le plus isolant.
Exemples


Remarque : les propriétés des Copeaux de bois et du Liège apparaissent proches de celles de la Laine de verre. Il serait souhaitable de renouveler de façon approfondie l’expérience comparative de ces trois matériaux.

Remarques en vue de prochaines expérimentations

1. L’extrême simplicité du dispositif facilite sa répétition et son adaptation.
2. Apprendre de ses erreurs : l’expérience permet d’aborder différentes problématiques avec les élèves :

  • a. Transmission de la chaleur : conduction, convection et rayonnement ;
  • b. Dispositif et innovation ;
  • c. Mesures et erreurs de mesure ;
  • d. Tolérance dans la construction ;
  • e. Technologie copiant la nature ;
  • f. Régularité expérimentale.

3. Les dimensions réduites du dispositif font que les imprécisions dans sa construction impactent fortement les résultats.
Améliorations :

  • a. Accorder la plus grande vigilance à l’identité des dispositifs.
  • b. Réduire au maximum les facteurs différenciants.
  • c. Comparer éventuellement les dispositifs en les testant avec un matériau identique dans les mêmes conditions expérimentales.

4. L’usage d’un thermomètre non fixe est à éviter : la température varie de plusieurs °C à l’intérieur de la bouteille à un même moment.
Améliorations :

  • Privilégier un thermomètre fixe, éventuellement une sonde intérieure reliée à un écran externe.

5. La superposition carton-alu-carton n’a pas permis à l’aluminium de jouer son rôle de réflecteur.
Améliorations :

  • Insérer une couche d’air entre l’alu et le carton du côté intérieur, avec des espaceurs en carton de 5mm d’épaisseur
  • Supprimer les ponts thermiques et les espaces de circulation d’air.

7. Le dispositif expérimental pourrait être amélioré pour permettre de comparer les multi réflecteurs carton-alu sans avoir les ponts thermiques dans les angles, qu’on ne pouvait pas éviter avec ce dispositif.
Améliorations :

  • Nouvelle boite de mesure des isolants (schéma - vue en coupe)

8.Ce nouveau dispositif permettrait de donner la valeur du coefficient de conductibilité thermique "λ" des matériaux étudiés en recherchant l’épaisseur du matériau à étudier qui présente les mêmes déperditions qu’une épaisseur de laine de verre de référence.
Si :
Er = épaisseur de la laine de verre de coefficient 0.039 (W/m.°K)
Em = épaisseur du matériau pour les mêmes déperditions
Alors :
λ coefficient de conductibilité thermique du matériau étudié = 0.039 / Er x Em (W/m.°K)
(en négligeant les résistances thermiques de surface, qui sont très faibles par rapport à la résistance du matériau pour de grosses épaisseur, par exemple 15cm)

9. Mesure de la conductibilité thermique en fonction de la compacité des matériaux en vrac.
Pour la mise en œuvre des matériaux en vrac il est important de connaître quel est le degré de tassement optimum. Rechercher, à épaisseur égale d’isolant, le te tassement qui donne le meilleur coefficient de conductibilité thermique).
Améliorations :

  • Dispositif permettant de comparer le même matériau selon sa densité en faisant varier la charge P de tassement

10. L’expérimentation pourrait porter sur d’autres matériaux bio-sourcés :
Améliorations : exemples d’autres matériaux :

  • mousses et lichens
  • enveloppe de différentes céréales (balle)
  • balsa et autres copeaux de bois légers
  • tout type de mélanges (exemple : copeaux + paille + ouate de cellulose)
  • pop-corn et autres céréales soufflées Cette dernière catégorie pourrait ouvrir sur une autre recherche pour trouver des moyens de conserver leur expansion (soufflé) dans le temps.

10. Chaque matériau pourrait faire l’objet d’un bilan énergétique global incluant une évaluation des énergies grises (énergie nécessaire à sa production, à sa mise en œuvre et à son recyclage en fin de vie).
On pourrait comparer l’isolation d’un habitat-type à la norme RT 2012, à Paris sur une période de 50ans pour chacun des différents matériaux.
Améliorations :

  • Disposer d’un bilan énergétique comparatif global des différents matériaux.

Notions thermiques de base

Remarque : les calculs proposés sont des calculs simplifiés. Ils ne tiennent pas compte de l’inertie thermique de l’isolant. On dit qu’il s’agit de calculs à "flux thermique constant".

Le projet pourrait permettre d’acquérir les outils de base des calculs d’isolation des bâtiments :
1- La conductivité thermique λ (lambda) d’un matériau est la capacité d’un matériau à transmettre la chaleur par conduction. Elle est exprimée en W/m.K (Watt/mètre x degré Kelvin). Plus elle est faible, plus le matériau est isolant.
Exemple
- laine de verre : 0.039 W/m.K
- contreplaqué : 0.12 W/m.K

2- La résistance thermique surfacique R d’un matériau (exprimée en mètre carré-Kelvin par watt)
R = e / λ
avec e = épaisseur du matériau (en mètre)
Exemples :
- 10 cm de laine de verre : R = 0.10 / 0.039 = 2.56 m2/W
- plaque de contreplaqué de 10mm : R = 0.01 / 0.12 = 0.08 m2/W

3- le coefficient de conductibilité thermique U d’une paroi
Le coefficient de transmission thermique d’une paroi caractérise la quantité de chaleur traversant une paroi en régime permanent, par unité de temps, par unité de surface et par unité de différence de température entre les ambiances situées de part et d’autre de ladite paroi.
Le coefficient de transmission thermique s’exprime en W/m²K est l’inverse de la résistance thermique totale (RT) de la paroi.
Plus sa valeur est faible et plus la construction sera isolée.
U = 1 / RT
RT = 1 / U
avec :
U = somme des résistances thermiques
Exemple
1 paroi de 20 cm de laine de verre
1 plaque de contreplaqué de 10mm

RT = 2.56 + 0.08 = 2.73 m2/W
U = 1 /Rt = 1 / 5.13 = 0.37 W/m2

4- le flux thermique à travers une paroi Φ exprimée en watt par mètre carré (W/m2)
Quantité de chaleur qui traverse une paroi à flux constant :
Φ = S x U x Δ T
avec :
- S : surface de la paroi
- U : coefficient de conductibilité thermique
- Δ T : différence de température de part et d’autre de la surface d’échange en kelvins ou en degrés Celsius (K ou °C)
Exemple :
- une surface S de 1 m2 de laine de verre appliquée sur une plaque de contreplaqué de 10mm
- son coefficient de conductibilité thermique U = 0.37 W/m2
- une différence de température Δ T de part et d’autre de la surface d’échange en kelvins ou en degrés Celsius (K ou °C) de 20°C
laissera passer un flux de chaleur de : 0.37 x 1 x 20 = 7.4 W
Remarque : nous avons volontairement négligé les résistances thermiques superficielles de paroi intérieure et extérieure qui dépendent de facteurs complexes :
- hygrométrie
- de la nature calme ou agité de l’air en contact avec les parois
- du facteur de rayonnement (émissivité) de surface

Pendant la montée en température il faut tenir compte qu’une partie de la chaleur va contribuer à l’élévation de la température de l’isolant, qui va "stocker" de la chaleur (ce qu’on appelle "l’inertie"). Il faut connaître la chaleur massique (ou volumique) de chaque matériau du système.
C’est très intéressant, car on comprend que la seule caractéristique du coefficient de conductibilité thermique d’un matériau n’est pas suffisant pour comparer les caractéristiques d’isolation d’un matériau. Par exemple, c’est un avantage de la ouate de cellulose de pouvoir jouer sur son inertie thermique plus élevée que celle de la laine de verre.

Un autre dispositif expérimental

Au lieu de mesurer le baisse de température du réservoir en fonction du temps, on pourrait remplacer le réservoir par un caisson chauffant fournissant une puissance de chaleur constante, comme celle d’une ampoule chauffante.
Exemple : Ampoule en Céramique Infrarouge - Lampe chauffante pour reptiles et amphibiens 25W
Caractéristiques :
- émet une chaleur comme le soleil, naturelle.
- utilise un chauffage infrarouge, 99% d’efficacité thermique, chaleur uniforme
- pas de lumière émise
- en céramique, adapté aux environnements humides
- ultra longue durée de vie de 20000 heures
- coût 10€
En comparant la température du dispositif témoin avec celui de l’échantillon on pourrait voir plus rapidement celui qui se stabilise à la plus haute température. Puis faire des ajustement d’épaisseur de l’échantillon d’isolant pour obtenir deux systèmes (l’isolant de référence et l’échantillon) qui sont stables et à la même température.

Remarque : Le 22 octobre 1879, Edison réussit à produire un éclairage durable en faisant passer du courant électrique à travers un filament de carbone, dans une ampoule sous vide. Il aurait testé près de mille filaments avant d’y parvenir. Aux USA une ampoule datant de 1901 fonctionne toujours.
Dans le même esprit d’Edison, il serait possible de tester de nombreuses combinaisons d’isolants !

Amélioration

  • Boite de mesure avec ampoule de chauffage

Remerciements

Grand merci à tous :
- aux élèves qui ont très bien relevé ce défi,
- au professeur, Julien, qui l’a animé,
- à Nathalie Guinaldo, la directrice du Lycée qui a soutenu ce projet.


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